Par Nicolas Chaudier et Vincent Maligne, Managers chez Newton.Vaureal Consulting, cabinet d’expertise en performance de opérations
Si tous les réseaux de distribution BtoB ont déployé des organisations Supply Chain, la distribution des agro-fournitures ne peut plus échapper à cette norme. Les bouleversements que connait la profession conduisent les coopératives à trouver un modèle de gestion des flux qui permet d’améliorer leur compétitivité en offrant du service et du prix à leurs adhérents. Ainsi, pour pérenniser la création de valeur, il devient indispensable de disposer d’un réseau physique adapté et d’une organisation permettant de piloter les flux dans ce réseau.
Propriétaires d’un réseau de silos, au maillage territorial très dense, nécessaire à la collecte des récoltes, les coopératives se sont appuyées sur ces actifs pour développer la distribution d’intrants (engrais, phytosanitaires, …) à destination de leurs adhérents en leur offrant un service « complet » de collecte, conseil, et ventes. La proximité est un argument moteur dans l’adhésion des agriculteurs. La notion de performance de cette distribution ne représentait pas, alors, un enjeu majeur. Cette activité, peu soumise à concurrence, contribuait solidement à la rentabilité des coopératives malgré des coûts Supply Chain entre 8% et 10% du chiffre d’affaires.
Aujourd’hui, l’environnement de ces marchés évolue fortement avec :
- L’installation de distributeurs « pure players » qui s’appuient sur leur force de frappe logistique pour proposer des prix attractifs,
- L’arrivée du e-commerce que le secteur doit s’approprier pour créer son propre modèle
- Une exigence plus forte des adhérents sur l’offre de service
- La pression croissante sur la trésorerie des agriculteurs dont les modes de consommation d’intrants évoluent vers des commandes au plus proche de l’utilisation
- L’évolution de la réglementation avec notamment la séparation des activités vente et conseil sur les produits phytosanitaires.
Depuis 2 ans, nous accompagnons des acteurs du monde agricole (coopératives et négociants) pour repenser leur modèle de distribution pour répondre aux spécificités du secteur :
- Une forte concentration de la demande sur des périodes d’utilisation très limitées et liées au rendement de la récolte précédente, aux évolutions d’assolement et au contexte météorologique
- Un besoin fort d’anticipation d’une partie des volumes en amont des périodes d’emblavement et la réactivité nécessaire en période d’utilisation pour répondre aux besoins immédiats des agriculteurs
- Une diversité des conditionnements (vrac, big bag, sacs) qui implique la mobilisation de moyens de transport différents
- Une mutualisation des moyens avec l’activité de collecte (stockage, transport)
- Une empreinte géographique forte avec des zones de chalandise réduites
Nos travaux montrent que le modèle Supply Chain de demain est un mix entre une centralisation des volumes pour réduire les coûts logistiques et une exploitation pertinente du réseau local pour être réactif. Ainsi, il n’existe pas de modèle unique, même si tous reposent sur 5 composantes clés :
- Intégration d’une approche multicanale dans le schéma directeur logistique
- Planification des activités permettant de mieux anticiper les volumes futurs à traiter tout en dégageant des marges de réactivité
- Visibilité sur l’exécution des commandes de bout en bout pour informer autant les acteurs de la chaine que les clients
- Evolution des fonctions pour permettre la professionnalisation des activités planification, logistique, transport et ADV
- Mise à niveau des outils IT dédiés à la gestion des flux (ERP, WMS et TMS) avec des interfaces performantes, des aides à la décision et des tableaux de bord.
Les gains apportés sont ainsi de 3 ordres :
- Réduction des couts de distribution (les gains obtenus atteignent en moyenne 10% à 15% des coûts logistiques actuels)
- Alignement de la promesse de service a minima sur celle des « pure players » qui perdent ainsi leur avantage compétitif
- Réduction des stocks déployés
Cette transformation complexe peut être difficile à appréhender. C’est pourquoi, la connaissance du monde agricole est nécessaire pour y transposer des bonnes pratiques communément admises dans l’industrie ou la distribution BtoB. Ces transformations lourdes sont en cours chez un grand nombre d’acteurs du secteur qui cherchent ainsi à améliorer leurs performances opérationnelles et répondre à la demande de service de leurs adhérents ou clients.