En 2022, le transport maritime représentait 11 milliards de tonnes transportées et comptait pour plus de 80% du commerce mondial en volume, jouant un rôle incontournable dans l’économie mondiale et la globalisation des entreprises. A l’aube de l’émergence d’une nouvelle alliance maritime et de la fin du règlement d’exemption au sein de l’Union Européenne, quel sera le visage du transport maritime de demain ?
Alliances maritimes et consortium, quelles différences ?
Les alliances maritimes, également connues sous le nom de Vessel Sharing Agreements (VSA), sont des accords de coopération entre des compagnies de transport maritime pour partager les capacités de leurs navires, optimiser les itinéraires et rationaliser les opérations sans partager l’aspect commercial ni les stratégies tarifaires. Ces accords sont conclus dans le but de maximiser l’efficacité opérationnelle, de réduire les coûts et d’améliorer le service pour les clients.
3 VSA sont actuellement en place :
- 2M Alliance (Maersk, MSC)
- Ocean Alliance (CMA CGM, COSCO, Evergreen, OOCL)
- THE Alliance (Hapag-Lloyd, ONE, HMM, YangMing)
Le consortium, lui, est un type d’organisation qui se base sur un fonds commun alimenté par les membres en fonction du nombre de bateau que chacun met à sa contribution. Contrairement aux alliances maritimes qui ne prennent pas en compte les aspects financiers et commerciaux, le consortium mutualise les achats et les revenus générés en les redistribuant par la suite proportionnellement à chacun des membres.
Fin du règlement d’exemption, quels impacts ?
Cette pratique est aujourd’hui mise à mal avec la fin annoncée en octobre dernier du règlement d’exemption au sein de l’Union Européenne à compter d’Avril 2025. Cette exemption permettait aux consortiums, dont la part de marché cumulée sur le marché des membres ne dépassaient pas 30%, de déroger aux règles antitrust. En place depuis 2009, elle ne favorisait plus la concurrence dans le secteur du transport maritime selon un rapport d’examen lancé par la Commission Européenne en 2022.
Les commissionnaires de transport ainsi que les manutentionnaires portuaires pourraient donc bénéficier de cette décision, qui forcera probablement les compagnies maritimes à renégocier leurs tarifs de manière individuelle.
Une nouvelle alliance pour répondre aux enjeux actuels
Annoncée en 2023, la fin de la 2M Alliance fera place en février 2025 à la Gemini Cooperation, qui verra s’allier Maersk et Hapag-Lloyd. 290 porte-conteneurs d’une capacité totale de 3,4 millions d’EVP (équivalent vingt pieds) seront mis à disposition de l’alliance, dont 60% par Maersk. Même si la totalité des ressources des deux compagnies ne sera pas entièrement dédiée à l’alliance, cette alliance sera une actrice incontournable du transport maritime.
Plusieurs objectifs ont déjà été annoncés pour répondre aux enjeux actuels :
- L’amélioration et la fiabilisation des temps de transit en proposant de nouvelles routes (dont notamment un corridor terrestre en Arabie Saoudite pour contourner la mer Rouge)
- L’augmentation de la fiabilité des horaires avec un objectif de respect des délais supérieur à 90% contre 50% à 70% actuellement (avec un allègement des itinéraires et une diminution des escales)
- Une coopération sur la décarbonation avec des commandes de bateaux propulsés au méthanol (objectifs Zéro Carbone en 2040 pour Maersk et 2045 pour Hapag-Lloyd)
Le passage des trois grandes alliances (2M Alliance, Ocean Alliance, THE Alliance) à Gemini Cooperation, MSC, Ocean Alliance et THE Alliance après février 2025 devrait réduire la concentration du marché, ce qui pourrait conduire à une plus grande concurrence sur le marché du transport maritime. Il pourrait en outre initier le remaniement des VSA.
Par ailleurs dans ce remaniement, les ports du Havre et d’Anvers pourraient y perdre gros. En effet, Gemini Cooperation a annoncé vouloir travailler en priorité avec les terminaux qu’elle contrôle en Europe du Nord : Wilhelmshaven et Bremerhaven en Allemagne et Rotterdam aux Pays-Bas. La perte potentielle de marchandises transitant par les deux ports français et belge pourrait avoir un effet conséquent sur l’emploi et les revenus.
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